Passer une frontière n’est pas anodin. C’est cliché, clivé et maintes fois rembobiné. Mais la subjectivité humaine est ainsi, unique. Un nuage passe nonchalamment, son ombre crée une limite lumineuse sur ma peau éponge, poreuse à tout ce qui vient la caresser. Le sevrage démultiplie les sensations, j’attends fébrile le jour de notre embrassade. Les brassées de fleurs tomberont par milliers tels des germes de salades sur les œufs noirs du caviar en pot. Petits smörgås en devenir. Des milliers de poissons en salades en sortent pour se répandre sur notre ventre de paysan rond et gonflé. Ça grouille partout. Tout sur la serviette. Tout sur le bidon. Et ça explose. Entrailles partout. Entrailles des eaux internationales, zone de non droit, zone déjà délimitée comme illimitée. Les poissons s’en foutent, eux. Mais et toi et toi ? Tu viens d’où ? D’où c’est qu’tu sors comme ça ? Mmh ? D’ici ou de là. De France ou de Suède. Peu importe. La réponse vaut pour l’identité. Et pourtant j’ai passé des frontières. Comme ça en dormant. Comme ça en roulant. Comme ça en aimant. Œil de lynx complètement assommé. Ça me rappelle les livres ça. Petits romans d’aventures, concentrés d’héroïsme fantaisiste. Rose. Tout rose. Et pourtant bien teinté de bleu. Bien teinté de rouge. Et de noir. Pour la cape. La ficelle boulotte le fantôme. Et moi je voyage encore. J’ai beau m’être posée je suis toujours dans tes bras dans le ballottement -le cahotement voudrai-je- des trains high-tech des compagnies du grand nord. On voit les différences capitales. On les ressent, ça stresse. Mais la frontière n’existe matériellement plus que par la chose la plus matérielle : l’argent. Même là où c’est comme partout, la bourse c’est l’indicateur, la balance. Ce n’est plus la vie. On vous demande la bourse ou la vie. Tu réponds la bourse. Et tu gardes la vie. Mais c’est la bourse qui te poursuit, c’est pour la bourse qu’on t’a fait chanter, trimer, adorer, crier, créer. Vecteur de vie. Air vivifiant. Une bourrasque se déchaine, les cheveux volent, le cheich virevolte et je peux de nouveau croire au recommencement.
Circonvolution ultime. Je ne prendrai pas la volte comme facilité. Je ne sais faire que des roulades ; alors roulons, voulez-vous. Le long de la pente du grand volcan en ébullition, le long du Nil et de l’Amazone. Je veux vivre à la frontière invisible, indicible du doux et du salé, du contrôlé et de l’immensité. Que ça bouillonne en profondeur, qu’on y vogue gaiement en surface, peu m’en faut, je veux boire de ce nectar païen, de ce breuvage profane, de ce cocktail détonnant, moussant. Emulsion fluvomaritime. Je veux être un bateau, je veux du roulis, des raclement, m’envoler pour être amorti. Si profondément que la toile craquerait, si doucement que je serai masse, toute entière et non, je ne m’écraserai pas, non, je deviendrai toute, unique, lourde et puissante. Et pourtant si fluide pour le peu de connaissance humaine qui nous reste. Piètre constatation. L’huile flotte. Mais l’huile n’est pas agréable. Le sable tombe, mais il vole aussi. L’huile est-elle capable de voler ? On le saurait à force de nous dire ignorant. Fleurs de cactus, je ne suis pas Yvonne.
R¨.
Samedi dix neuf juillet deux mille huit

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