dimanche 7 septembre 2008

Tesson

Mettre un uniforme n’est pas anodin. C’est comme passer une frontière, entre l’individu et le groupe. Canetti n’avait pas tort là-dessus. Mais comment s’investir ? Comment devenir le groupe sans se perdre soi. En fait c’est pour les autres que notre soi disparaît. L’uniforme n’est qu’une autre couche, une superficie de plus, une peau-tartine. Tu deviens nous, tu deviens vous. C’est ainsi. Mets ton uniforme et va jouer ! Oui, jouer jouer jouer, brûler les planches et raccourcir son pantalon, floush, tout crâme. Plus d’uniforme ! Qui me ressemblait survive ! Moi je m’envole. Et je suis nu, nue, comme un ver, une rivière. Dryade de l’eau et nymphe des bois. L’état naturel, brut, l’homme dans toute sa faiblesse. On est pas taillé, personne n’a pu le faire, la chair est trop molle. Peau, graisse, muscle dégoulinent et se solidifient sur la carcasse calcifiée. Nous sommes des stalagmites et des stalactites qui se régénèrent, en permanence, qui se mêlent, qui tentent de continuer leur lente route. D’où la bouée. Peut-être, un jour nous sauvera t’elle des eaux ? L’homme est loin d’être une machine, sinon, il ne se poserait pas la question, on est à la fois animal et minéral. Parce que friable et sanguin. Que fait une pierre quand elle s’effrite ? Elle a une hémorragie. Rivière de molécules se cristallisant sur nos pieds, nos mains, nos chaussures, et les pierres qui ne boivent pas, et le sable qui n’éponge pas, et les renards qui s’affrontent. Là dans le jour heureux, on regarde ensemble au loin et on voit ce carnage et on sent la bataille incessante, mais tout cela n’existe pas mon amour, c’est une perfusion qu’on oblige la terre à prendre, elle tourne rond, on la veut elliptique. Monde épileptique en quête d’autre chose, la virtualité nous exerce à ne plus sentir que la réalité loin de nous échapper est interne et bouillonne là où l’on croit qu’elle stagne. Dégage tes yeux, tes cheveux fous, tes mains, essuie toi les mains et pleure. Pas besoin de se laver, on est pas sale, il faut juste muer. Changer de peau, c’est pratique, non ? Et puis là, entendre battre son cœur, visualiser sa respiration, la faire tourner sur le sternum, dorée, rose, bleu, je tourne, tourne, tourne. Moulin d’énergie, les rapières disparaissent et le jour continu, dans le noir semblant profond. Mais on aime le jour, alors conserve le ! Rien n’est grave, rien n’est perte, tout à gagner et pourtant on croit encore avoir tout perdu. Mais où ? Où ? Où ? Où ? Nulle lieu, nul temps. C’est là et pas là à la fois, y’a pas à choisir, juste à être ici et à ne pas l’être. C’est ça hein ? On clignote ? Rouge, orange, vert ; rouge, orange, vert ; rouge-orange-vert, rougeorangevert, … C’est pas un peu rapide ? Sauter des étapes pour mieux y retourner ensuite. J’ai un trou noir dans ma carte, je saurai quand même où aller. Et puis même si je ne sais pas, je le saurai. Je trouverai pas, mais j’y arriverai. Juste parce que c’est là aussi. Ça tourne, suffit de suivre et t’y reviens. Mais tu peux dévier, c’est une fibre, un petit éclat, qui dit et si on tournait par là aussi ? Z’en dites quoi. Les autres répondent sans cesse, nan, on tourne, on tourne, on tourne encore. Bon, la prochaine fois alors. Et c’est ainsi que naquirent les évolutions. Monades fibreuses qui veulent faire des ellipses, les ronds, ça donne mal au cœur. On arrondit, on arrondit, on se concentre, encore encore encore, plus vite, allez ! Et pouf ! On explose. Nuit noire, petit pois pèse lourd aujourd’hui. Trou plein, plein petit. Mais où ils vont chercher tout ça ? Mais chez vous, chez eux, partout madame. Même vous vous pouvez y aller, y’a pas de soucis, on a tous les mêmes capacités, alors pourquoi hésiter encore à aller de l’avant. Le reptile sournois ? Mais c’est ce qui préserve certaines petites allégories parfois bien utiles. On a besoin d’un grognon dans le groupe, pour mieux penser qu’il faut avancer. Et puis d’une raison à lunette qui énerve, qui énerve, j’vous dis pas, mais c’est pas grave au moins elle aura parlé. Bon, on y va maintenant ?

Odeur de réglisse, petit coagulateur du monde, comme ces tessons antiques qui ont voulu être un seul. Sans uniforme.

R¨.

Mercredi six août deux mille huit

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