jeudi 12 juin 2008

Danaïde

Déesse de la nuit, celle qui nous couve et nous couvre. Déesse du splendide, du sublime dirait Kant. On est loin je pense de cette vision historique de la maîtrise du monde. On ne peut le contrôler, on en a toujours eu peur. Alors ? Alors, on plante. On essaye de trimer, d’extraire la graisse des chevaux de bois et de filtrer l’eau de la rose. Ce n’est pas facile mais nous sommes des bêtes têtus et l’on veut se battre. Se battre oui. En fait si on travaille autant c’est plutôt pour faire une chair à canon plus coriace au bout des temps. Quand on se fera croquer par le grand sablier. Et bouffe, savoure et avale le petit grain de sable. On finira en digestion perpétuelle, car une fois tombés, plus de solution, plus d’échappatoire possible, on est en bas et on s’amoncelle. Tas de mort. Tas surpris. Le sablier ne nous reprendra pas pour agrandir sa vaste tête. Pas besoin, tous les jours d’autres arrivent, par milliers, millions. Et que roule le tonnerre et que claquent les éclairs et que grossissent les nuages… Nous sommes dérisoires. Comment avoir la vraie volonté de sauver des structures auxquelles nous ne sommes attachés que par un lien factice, celui du flouze, ou même par un lien de novice, celui de l’habitude ? Mais c’est à nous ! Propriété de mes deux. A nous ? Pas pour la responsabilité. Pas à nous de l faire. Pas d’ma faute. Pathétique et puéril, le jeu de tennis de table a commencé. A toi ! A toi ! Amoi ! A toi ! A lui ! Le soupir de frustration et de résignation. Celui qui fait gronder les entrailles et qui tourne les sangs dans le mauvais sens. Celui de la pulsation meurtrière, de la pulsion impromptue. Mais rien n’est la faute de personne de toute manière. Tant mieux. Tant pis. On a beau dire, j’ai de plus en plus l’impression que nous sommes des êtres de néants. Êtres emplis de vide, que nous devons emplir, imploser ou mourir. Petit trou noir à lui tout seul, l’homme est un genre nébuleux de la galaxie de la Bulle. Sinon, on ne pourrait pas créer. Il faut de l’espace pour créer. Il faut du plein aussi. Pour le dissocier. Et si la création, la pensée même, n’était qu’une injection plus ou moins habile de vide dans un tas de plein. Pour tout dissocier et ré-agencer. Alors ce n’est plus de la création mais de l’organisation.

Je suis une Danaïde. Révélation soudaine, intime et coriace née un jour de pluie ravageuse. Le ciel nous adressait ses plus salivaires horages et nos frêles silhouettes excitées révélaient la puissance que l’on ne pouvait pas déployer. Impuissant et pourtant, nos cerveaux, nos petits synapses étaient en surchauffe, le corps en pilote automatique, enfin pouvoir se lâcher. Réfléchir dans la bouffée d’adrénaline. Expression pure du sublime. Vraiment. Sans blaguer. Là-haut tout grondait, en bas tout se noyait. Pas en masse, mais en esprit. Chaque goutte était vicieuse, son amas était pervers, son mouvement magnifique. Jaillissement spontané de puissance. Direction commune. Pourrait-on faire ça avec des hommes ? Nan, trop de facultés de différences sont en jeu. Et alors, un sortira de la masse. Et là, on a déjà donné. Donc, la déesse Pluie nous envoyait ses charmes ravageurs. Elle se développait là où l’on ne l’attendait pas. J’attendais un scintillement, un amas lumineux pour cligner des yeux et la voir, elle, la belle et enamourachée femelle. Celle qui commande à tout. L’amante du vent qui la caresse. Peut-être que là ses baisers, ses brises et ses rafales avaient su l’exciter assez pour nous faire partager son plaisir. Il ne faut pas croire que c’est delà colère. Non c’est un partage. Mais nous sommes trop petits pour le comprendre. On ne peut la saisir dans toute sa candeur. L’anthropomorphie ne tue pas. Dites si j’abuse. On a besoin des images, nous sommes incapables de fonctionner autrement, quoique puissent en dire les bornés. Eux mêmes le font, de manière déguisée, en réduisant le champ universel de l’image.

Je parle peut-être trop d’éternité.

R¨.

Jeudi cinq juin deux mille huit

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